UTMB 2017 François D'Haene Kilian Jornet
François D'Haene et Kilian Jornet à l'arrivée de l'UTMB 2017 - Photo Olivier Vin

Voilà le genre de duel qui ferait fantasmer nombre d’amoureux de trail…et de course à pied. Qui n’a jamais débattu de cette question en regardant les exploits d’Eliud Kipchoge ou de Kilian Jornet ? Guillaume Millet, ultra traileur, chercheur de référence au niveau international en matière de physiologie et d’étude des sports d’endurance nous donne quelques pistes de réflexion très intéressantes.

C’est un simple tweet qui a aiguisé notre curiosité. Sur son compte fraîchement créé, Guillaume Millet, Professeur de physiologie de l’exercice à l’université de St-etienne et directeur du LIBM , grand laboratoire de recherche sur le sport et la santé, lançait un sondage en posant cette question : « Si les meilleurs coureurs d’Afrique de l’Est couraient l’UTMB, que ce passerait-il face à Kilian Jornet, Pau Capell, François d’Haene ou Xavier Thévenard ? ». Pour le dire autrement, sur un parcours d’ultra peu technique, avec malgré tout beaucoup de dénivelés, qui serait le plus fort ? Les Africains gagneraient facilement ? Les Européens s’imposeraient sans problèmes ? Ou bien la bataille serait serrée ?

Il va sans dire que compte tenu des différences de prize money entre les plus grands marathons et l’UTMB, nous ne sommes pas près de voir un duel Kilian Jornet-Eliud Kipchoge à Chamonix. C’est pourquoi Guillaume Millet a ajouté quelques éléments contextuels : une prime importante de victoire (disons 100 000€), et deux années de préparation spécifique pour cette course. « Les qualités nécessaires pour courir un marathon en deux heures, et celles pour boucler l’UTMB en 20h sont très différentes. Il va de soi que sans préparation spécifique, les athlètes africains n’auraient que très peu de chances » nous confit-il.

Les facteurs de la performance

Répondre à cette question n’est pas une chose aisée. Grand connaisseur des épreuves d’ultra endurance, pour être lui-même un pratiquant (3e du TOR des Géants, UTMB, Grand Raid, Western States…), Guillaume Millet n’oublie pas de rappeler que « l’ultra est par définition imprévisible. Il peut se passer tellement de choses en 20 heures de course ». Néanmoins, certaines caractéristiques influençant la performance permettent de faire des hypothèses sur cet hypothétique affrontement.

  • VO2 max : donnée essentielle en trail, la VO2 max, ou la quantité maximale d’oxygène que le corps peut consommer par unité de temps est le premier facteur de la performance sur un ultra comme l’UTMB, ou l’aptitude à être à l’aise en terrain technique n’est pas une clé majeure dans la réussite. « De ce point de vue, il est difficile de faire mieux que Kilian, je lui donnerai un petit avantage » précise Guillaume Millet.
  • Économie de course : sur un effort type « marathon », qui se court à des allures très élevées pour les meilleures, l’économie de course, ou la capacité du corps à être économe en énergie pendant l’effort, est une donnée essentielle. De ce point de vue, les athlètes d’Afrique de l’Est excellent. « Ils sont très légers, ils s’économisent remarquablement. Mais sur des allures beaucoup plus lentes comme celle d’un effort de 20h, cette donnée est moins importante que sur marathon ».
  • Endurance : on évoque ici la capacité à maintenir sur une longue durée une VO2 max élevée. « Là encore, je pense qu’il est difficile de faire mieux que Kilian »
  • Logistique/mental : Enfin, après ces trois facteurs essentiels, Guillaume Millet insiste aussi sur l’expérience et la connaissance de cet effort si particulier : « autant sur l’alimentation que sur la capacité mentale à maintenir un effort aussi long, cela demande de l’expérience. Kilian a une marge assez nette de ce point de vue, même si on accorde deux années de préparation aux athlètes africains »

Les Européens gagneraient facilement. Vraiment ?

Après l’analyse de ces facteurs de la performance, on pourrait conclure que les Européens, et le meilleur d’entre eux certainement, Kilian Jornet, pourrait s’imposer sur une course comme l’UTMB. C’est d’ailleurs le résultat du sondage qu’a réalisé Guillaume Millet : 66% des 345 votants ont voté : « Les Européens gagneraient facilement ». 

Guillaume Millet est lui plus réservé : « Je pense que la bataille pour la victoire serait serrée, mais que les athlètes d’Afrique de l’Est auraient une petite avance. Il faut prendre conscience du niveau auquel ils évoluent, ils ont des capacités physiques hors du commun ». Il ajoute : « Je le répète, cela nécessiterait néanmoins une préparation adaptée, notamment d’un point de vue de l’endurance musculaire et de la capacité à encaisser les descente. »

Comment expliquer de tels résultats ?

Guillaume Millet le reconnaît : « le sondage est un peu biaisé par le fait que Kilian ait commenté la publication et que son audience a ensuite largement participé à celui-ci. Forcément, les gens qui le suivent et qui l’admirent ont très majoritairement voté dans le sens des résultats que l’on connaît ».

Des traileurs sur route, mais à quand des routards sur trail ?

Depuis de nombreuses années déjà, de plus en plus de spécialistes de trail viennent se tester sur la route, ou sur cross, quel que soit le format. On pense bien sûr à la star de l’ultra Jim Walmsley qui participait cet hiver au marathon qualificatif pour la sélection américaine au JO (22e en 2h15’05). On pense également au prochain objectif de Kilian Jornet qui aimerait s’essayer à une épreuve de route et qui se prépare spécifiquement pour cela. Quoi qu’il en soit, toutes ces expériences nous montrent que même les meilleurs traileurs de la planète sont encore (très) loin des meilleurs spécialistes sur route. 

Mais à l’inverse, il n’y a que très peu d’exemples de routards venant s’essayer au trail. Ainsi, il est difficile de tirer des conclusions en comparant les performances des uns et des autres dans des disciplines qui ne sont pas leur spécialité au départ.

Peut-être viendra-t-il le temps de ces affrontements dont on rêve tous. En attendant, il nous tarde de voir ce dont Kilian Jornet est capable sur route. 

N’hésitez pas à aller suivre Guillaume Millet sur Twitter ou sur son site internet pour plus de réflexions à ce sujet.

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